Bonjour,
Nous nous réunissons aujourd’hui à Montpellier, pour la réunion des ministres européens du développement, et je tiens à remercier la France et le Ministre [de l’Europe et des Affaires étrangères] Jean-Yves Le Drian, mon ami, pour son hospitalité.
La réunion a été dominée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui pose un énorme problème humanitaire.
L’armée russe poursuit son offensive en Ukraine. Le nombre de civils tués augmente au jour le jour, et on est dans un processus de destruction systématique des infrastructures, pas seulement militaires mais civiles. C’est des habitations, c’est les infrastructures civiles qui sont prises pour cible de façon systématique.
Evidemment, ça n’a fait qu’augmenter le nombre de réfugiés qui franchissent les frontières de l’Europe. Déjà, on a dépassé le chiffre de 1 million et demi, c’est plutôt 1,6 million. Vous voyez à quelle vitesse on monte et on craint fort que le chiffre, c’est une estimation raisonnable, puisse arriver à 5 millions de personnes.
On n’a pas vu depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, un mouvement de réfugiés aussi grand, qui se produit aussi vite. Cette énorme quantité de gens qui quittent leur pays pour échapper à la guerre devront être accueillis par les pays européens. Il y a des estimations qui disent que plus de 18 millions de personnes seront touchées par les conflits à l’intérieur de l’Ukraine.
On a discuté de la réponse à cette situation, nous avons identifié un premier versement de presque 100 millions d’euros pour une aide humanitaire immédiate à nos partenaires, en Ukraine et en Moldavie. Ces financements aideront à fournir en nourriture, en eau, en besoin de santé, des abris, la protection de base pour ces citoyens ukrainiens. Dans ce contexte, nous allons augmenter la résilience de l’Ukraine et de la Moldavie. La Moldavie, en particulier, est un pays qui se sent menacé et qui a besoin d’une aide, à la fois économique et politique.
On va travailler aussi rapidement pour la mobilisation d’un paquet de 500 millions d’euros pour l’Ukraine, qui a été annoncé par la Présidente de la Commission européenne [Ursula von der Leyen], pour aider les populations touchées par le conflit.
Il faudra continuer à aider l’Ukraine dans le domaine de cyber-sécurité, mais l’important en ce moment est d’aider les flux de réfugiés et continuer à travailler pour essayer de trouver un cessez-le-feu qui puisse commencer à ouvrir la porte à une négociation.
D’un autre côté, à la réunion était présente la Banque européenne d’investissement, qui a décidé de réorienter 700 millions d’euros [668 millions d’euros] pour soutenir la liquidité de l’économie ukrainienne.
Voilà, pour ce qui fait référence au conflit ukrainien.
Nous avons aussi abordé une question à caractère structurel, c’est la dimension géopolitique de l’Europe. Nous avons un besoin grandissant d’une Europe plus géopolitique, y compris dans la façon de concevoir et de faire de la coopération et du développement.
Il nous faut clarté, il nous faut unité, il nous faut fermeté et il nous faut crédibilité. Il faut sortir de la logique des annonces rhétoriques et passer à des offres concrètes et réalistes que nos partenaires puissent prendre au sérieux et qui soient susceptibles de faire la différence.
Oui, nous voulons tous une Europe géopolitique – mais comment ? Tout d’abord, il faut être plus affirmatif et plus déterminé dans la défense de nos valeurs et de nos intérêts. Et la crise ukrainienne agit comme un catalyseur dans la recherche de cette Europe plus géopolitique qui utilise tous ses moyens pour influencer le destin du monde, pour influencer nos partenaires de référence, et pour tenir compte de leur vote aux Nations unies, pour savoir à quel point ils se sont alignés avec les positions que nous défendons.
Et puis finalement, on a eu l’occasion pendant le déjeuner de discuter d’un autre problème à caractère global, dont on ne parle pas assez. C’est la biodiversité. On parle beaucoup de changement climatique, on parle beaucoup moins de la perte de biodiversité. Et nous avons eu l’occasion d’en discuter avec l’ancien président du Niger, Mr [Mahamadou] Issoufou, c’est un ancien étudiant de l’Université de Montpellier, sur la manière d’intégrer la biodiversité dans les politiques d’aide au développement ainsi que la contribution que l’Union européenne peut faire à la recherche agricole en Afrique.
Je comprends que ces questions puissent paraître secondaires, comme nous avons tous, les yeux braqués sur ce qui se passe en Ukraine. Mais elles ne sont pas secondaires. Elles n’ont pas l’urgence et le dramatisme de l’Ukraine mais la perte de biodiversité est un problème mondial, transversal, qui nous touche à tous et qui va nous poser beaucoup de problèmes à court terme. Donc il faut s’y pencher, il faut y travailler parce que la perte de biodiversité, c’est une grande menace pour le développement durable et pour l’objectif final de lutter contre la pauvreté.
Ça a été une discussion passionnante, mais je comprends fort bien qu’aujourd’hui l’intérêt est sur l’Ukraine. C’est pour ça que le Conseil a voulu ouvrir un chapitre de sa discussion sur le sujet.
Merci encore à la France d’avoir accueilli cette rencontre. Merci à Montpellier pour son hospitalité.
Q&A
Q. Quel est selon vous le rôle que peut tenir la Chine dans la situation actuelle ? On connait ses relations avec la Russie, elle laisse entendre qu’elle pourrait jouer les intermédiaires. Qu’en pensez-vous ?
Pendant la réunion, j’ai dû m’absenter un moment pour avoir une longue conversation avec le Ministre [des affaires étrangères] Chinois [Wang Yi]. À mon avis, il ne s’agit pas d’une médiation. Mais c’est évident que la Chine a une influence claire sur la Russie. On a discuté de la situation telle qu’elle est, ses origines et son évolution prévisible. J’ai demandé à la Chine de jouer de toute son influence et de faire partie de l’initiative diplomatique pour essayer d’avoir un cessez-le-feu immédiat et des négociations que se tiennent en bonne et due forme. C’est évident que la Chine peut jouer un rôle. Je ne dis pas de médiateur, parce que c’est évident qu’elle est beaucoup plus proche de la position de la Russie. Mais oui, elle peut jouer un rôle d’influence parce que la Chine est toujours une grande puissance mondiale et ses liens, son amitié et ses points de vue communs [avec la Russie] sont bien évidents, donc c’est un pays qui peut jouer un rôle très important, si elle le veut, pour pousser vers une solution diplomatique à la sortie de la crise.
Q. Quelles évolutions peut-on attendre du côté de l’ouverture de couloirs humanitaires ? Ça sera apparemment le point central des nouveaux pourparlers russo-ukrainiens qui vont se tenir dans les heures qui viennent. Le président [de la France, Emmanuel] Macron a dénoncé une position cynique de la Russie. Comment voyez-vous la situation évoluer ?
Oui, en effet, je crains fort qu’on aille vers une “syrianisation” de l’Ukraine.
Link to the video: https://audiovisual.ec.europa.eu/en/video/I-220182